Échange pour Zoya

Citation :

Chère Zoya,

Je ne vous apprendrai sans doute rien, les rumeurs s’éparpillant sur Rhyl aussi rapidement qu’un feu de paille. Ayant perdu mon Evelyne, je me réserve quelques jours de solitude, pour apprivoiser mon deuil. Suite à cela, je devrai prendre les dispositions nécessaires pour organiser ses funérailles au Temple, là où nous nous sommes unis il y a seulement quelques semaines. Comme vous vous en doutez certainement, j’aurai besoin d’aide dans les préparatifs, les fleurs, les encens, et sans doute un portrait de ma bien-aimée, à défaut d’avoir sa dépouille.

Il m’est lourd de vous le demander personnellement, comme vous avez été avec nous durant des moments importants de nos existences. Evelyne a témoigné à vos épousailles, vous l’avez fait pour nous ensuite… J’aimerais que vous m’accompagniez dans le dernier chapitre de notre bref amour, pour lui faire honneur une ultime fois, à elle, mais à notre enfant qui était à naître.

Sur une note que j’aimerais plus heureuse, malgré les sinistres événements, et abordant le sujet des enfants, je n’ai pas eu l’attention de vous parler lors du banquet. Je n’ai même pas remarqué si vous aviez donné naissance. En ce sens, quand je me sentirai apte à reprendre mes tâches ecclésiastiques, je serais comblé d’orchestrer le baptême de votre poupon sous l’œil des Sept, mais également honoré de faire sa connaissance, pour mettre un peu de baume sur ce qu’il me reste de cœur. N’ayant que très peu d’amis, ce ne serait d’aucun refus de m’occuper l’esprit avec la vie plutôt que la mort.


Épistolairement vôtre,

Ludwig Schwarz
Grand Prêtre du Saint-Concile

Les derniers jours avaient été éprouvants pour la nouvelle mère. C'était tandis qu'elle donnait le boire installée aux jardins suspendus, éreintée encore, que le messager vint la trouver, porteur de ce pli qui l'aurait pris par surprise.

Elle considéra un long moment le parchemin après l'avoir lu. Une sourde mélancolie peinte à son visage.

Malgré les bonheurs de cette nouvelle maternité, fusse-t-elle arrivée avant son temps, et le décor idyllique, les chagrins et lourdeurs avaient encore droit de cité et aucun rempart, même pas ceux de la cité australe, ne pourraient les tenir à l'écart.

L'enfant endormi sur les coussins, et enveloppée dans le parfum capiteux des glycines, elle s'était mise à écrire. Elle avait longuement pensé ses mots, ses tournures de phrase, ce qui ne lui ressemblait pas. Ce n'était pas un courrier à déléguer à quelqu'un plus adepte de l'écrit qu'elle ne l'était, mais pourtant ce pli ne se prêtait pas non plus à sa légèreté et son informalité coutumière.

Citation :

Cher Ludwig,

En premier lieu, permet-nous, à Rayan et moi, de te présenter nos condoléances.

Le deuil est une chose terrible à vivre, et si chacun le vit à sa manière, sache que tu n'es pas seul.

Passe prendre du répit à Samarach, quand tu voudras. Nous serons honorés de t'épauler dans l'organisation des obsèques. Lorsque le temps et l'humeur te permettra, nous pourrions peut-être nous voir, et convenir de ce que tu préférerais pour les funérailles, et de ce qu'Evelyne aurait pu vouloir. Elle a marqué beaucoup de monde, et d'imaginaires : on tâchera de faire ça bien. Je commencerai à peindre le portrait bientôt : as-tu des préférences, quant à la pose, l'expression?

Nous prendrons du temps pour parler de tout ça, et sache que nous serions ravis de te présenter le petit Kaolin quand tu viendras. Tu pourras dispenser ta bénédiction, et on pourra voir à tous les arrangements pour le baptème. On ne sait pas trop comment cette cérémonie est censée se dérouler, mais on se demandait si on pouvait la célébrer à Samarach?

Non seulement Kaolin mais d'autres gamins de Samarach peuvent avoir besoin de la présence du Clergé. Si tu veux, quand tu passeras, on parlera projets et idées.

N'oublie pas, tu n'es pas seul. Passe quand tu veux pour nous voir.

Zoya & Rayan