Échanges épistolaires - Velours

Ce n’était jamais agréable d’écrire ce genre de lettre, surtout lorsque c’était pour s’excuser à la place d’un tierce parti… Surtout quand c’était pour la douce de Lorentz…surtout quand on s’appelait Ludwig.

Mais il était lui, et en tant que Ludwig, il avait des principes. Étant Ludwig, il fut également concis. Très concis.

Le messager qui fit le chemin s'assura de remettre le pli tout simple en main propre.

Citation :

Mademoiselle,

Navré que ma sauvageonne d’épouse vous ait fait peur lors de votre dernière visite en Valcoeur. Sans doute passe-t-elle tellement de temps avec ces gens du Nord qu’elle en ait oublié la plus pure des civilités ; on ne peut menacer ou lever la main sur une femme non armée.

Une demande de votre part, et je lui rougirai l’arrière-train comme il se doit.

Cordialement,

Ludwig Schwarz

Il joignit à sa missive une fleur de camomille, symbole de l’énergie dans l’adversité, si l’on s’y connaissait un tant soit peu en signification des plantes.

Ce n'est pas sans ronchonner que Jérémie, le coursier attitré du Grand-Prêtre, s'en était retourné jusqu'à la diplomate. Bien sûr, il se gardait de se plaindre devant l'homme, son fessier se souvenant du dernier coup de pied reçu lors d'un soupir découragé antérieur. Ce qu'on lui avait dit était vrai ; à force de courir des lieux, faisant la navette pour l'ecclésiaste bourru, il aurait les même mollets d'acier que lui.

C'est la langue pendante, le souffle court en cette chaude journée d'été, qu'il eut le ''plaisir'' de remettre à Velours la réponse, bien courte encore, de Ludwig.

« Z'avez pas une p'tite cruche de cidre frais pour votre ami Jérémie, hin ? »

Après tout, Sydonia lui avait toujours offert de quoi se mettre dans le bide avant de repartir. Peut-être que la ténébreuse et élégante Velours ferait de même pour sa mine ingrate ?

Citation :

Mademoiselle « Velours »,

Votre question est bien légitime. Qu'est-ce qui motive un homme a tenter de réparer les erreurs de sa femme ?

J'ai des principes qu'en ces jours nous pouvons qualifier de vieux jeu. On ne devrait punir l'estafette de porter de mauvaises nouvelles de son supérieur. On ne devrait battre la vache pour le peu de lait qu'elle produit si son propriétaire la néglige. Alors pourquoi s'en prendre à l'aimée d'un autre, simplement pour sa relation entretenue avec icelui. Si bien que l'aimée en question n'a pas les qualités requises martiales pour défendre sa propre personne. Tenter d'atteindre son ennemi par l'intermédiaire d'une blessure à son cœur n'est pas très pieux, comme stratégie.

Celui qui laisse passer une injustice laisse la porte ouverte pour la suivante.

En sa « qualité » d'épouse, Evelyne devient une extension de moi-même, ses actions vont inévitablement tomber sur mon ombre, bonnes comme mauvaises. Peut-être ne l'a-t-elle pas réalisé encore.

Je regrette que votre peau, sans doute aussi veloutée que votre surnom le laisse suggérer, soit marquée de la brusquerie de ma dame. Faites-vous quelques cataplasmes avec de la consoude, une ou deux fois par jour. C'est ce que ma mère faisait pour moi.

Ludwig Schwarz
Grand-Prêtre du Saint-Concile