Après réception du fameux ouvrage (que l'on n'espérerait pas trop collant) la prêtresse prit un moment de lecture.
Puis un sourire amusé. Elle avait savouré ce moment de légèreté : pour être si rarissimes, flottants, ils étaient précieux.
En un autre âge, du temps de son noviciat, elle se serait bien vue sans malice substituer la couverture de l'ouvrage pour prendre d'une farce un pauvre lecteur des archives du temple espérant mettre la patte sur un autre docte et aride texte. Ou bien se serait-elle vue rire en long, large et travers sur chaque chose qui lui paraitrait comme ridicule énormité avec sa soeur ainée.
Au flottant instant de joie, une pointe de nostalgie s'ajouta. Ces choses-là étaient impensables, à présent. Cet humour qui piquait comme une plume, ces bonheurs simples de soirées qu'on ne pouvait espérer passer qu'à rire, ou s'en étaient-ils allés?
D'amusement, en rangeant l'ouvrage dans une section des archives du temple (attendant que Ludwig Schwarz le découvre et fasse la syncope apropriée), elle souffla :
- Si seulement nous l'avions eu à temps pour les débats du Conclave. Ce document fait tout seul l'argumentaire des mérites et de la pureté des amours de ma soeur.
Puis, elle s'attela à la rédaction d'un message pour le Marchand Rayan, qui lui aussi pourrait sonder des abimes (seulement, d'un autre genre).