Échanges épistolaires - Sydonia Strauss

Citation :

À qui de droit,

J'écris cette missive afin de démontrer mon intérêt à rejoindre le Saint-Concile. Bien que je sois un homme de peu de mots, et préfère l'action aux incessants bavardages, ma foi n'en est pas moins importante et, après quelques années à avoir servit la Garde, je souhaite me renouveler dans ce que je crois être ma voie véritable, plus spécialement sous les préceptes du Fils.

S'il advenait qu'un ecclésiaste soit disponible pour me rencontrer, voir, encore mieux, officiellement m'initier à cette pure vocation, je serai tout disposé à faire les démarches nécessaires pour intégrer le Saint-Concile. Je me suis présenté au Temple dans les heures convenues de cette affiche à l'entrée de la Capitale, mais à ma grande déception, personne ne s'y trouvait pour le recrutement. Peut-être aurais-je plus de chance en envoyant moi-même un mot...

Avec ma considération,

Ludwig Schwarz

Ne sachant pas trop à quel genre d'individu, d'âge et d'esprit, auquel il avait à faire, l'ancien militaire y alla par une politesse bien neutre à l'appellation de la nonne.

Citation :

Madame Strauss,

Je ne suis malheureusement pas disponible pour une rencontre aux heures que vous me proposez, le devoir m'appelle loin de Valcoeur à ce moment là. Seriez-vous disposée à un nouvel essai le lendemain ? (Mardi soir) Votre heure sera la mienne.

Bien à vous,

Ludwig Schwarz

PS: Votre nom de famille me semble familier. Seriez-vous affiliée au vieux Sigmund ?

Le pli avait été cacheté, et lui avait été laissé en ses effets au Temple. Loin des regards indiscrets et curieux. Seule l'auteure, son destinataire, et peut-être les Sept, seraient au fait du contenu de l'épitre.

Citation :

Novice Schwarz,

Puisque vous aimez la brièveté des choses, je serai concise.

J'avais pour vous mots qui ne purent être dits ni avant, ni après la cérémonie, faute de temps. En vertu de vos épanchements avec le Novice de Longprés.

Ils sont les suivants :

Contre l'hérésie et la corruption, contre les affres impies, nous sommes frères d'arme. Qui doivent faire front commun.

Je ne suis pas celui que vous avez choisi. Mais je suis de ceux que vous aurez.

L'expression de doutes et dédains, face à face, est une chose.

Épanchés en dehors de notre institution, ils cultiveraient le doute chez nos ouailles et feraient la joie des mécréants : nous montrer désunis fait plus que miner notre crédibilité. Cela sert les ennemis de la Foi. Une Foi qui doit être plus grande que le Soi.

Ayant à coeur d'apaiser vos doutes, j'aimerais vous inviter à une chasse qui rassemblera quelques membres de ma famille ce (mercredi 20h). Peut-être saurais-je alléger vos ressentis en trouvant les maux justes pour nos ennemis nécrosés.

Les Sept veillent vos méditations et entrainements.

Nonne Sydonia.

Jérémie était arrivé au Temple en montant les marches ventre à terre. Il s'était alors empressé de demander la Nonne Strauss, ayant un pli à lui remettre.

Le pauvre Jérémie était nouveau coursier en ville, et il avait eu le malheur de se charger du secteur comprenant comme expéditeur Ludwig Schwarz. Ce dernier ne ménageait personne, fidèle à son passé dans la Garde. C'est donc en se frottant l'arrière-train, après y avoir reçu un bon coup de pied afin de l'encourager à se grouiller, qu'il posa donc en main propre la missive devant la jeune femme.

« V'là pour vous mamzelle Strauss ! Pis... auriez-vous de la glace pour mon bas d'dos ? »

Citation :

Sydonia,

Je n’ai pas pu m’empêcher de repenser à cette histoire de Huitième Visage. Le blasphème que cela implique envers le Dieu Pluriel m’oblige à me questionner sur les localisations de ces trucs dont tu m’as parlé, probablement au nombre de sept.

Lors de mes chasses, je n’ai pas pu m’abstreindre de constater bon nombre d’entrées de grottes grouillantes de créatures en tous genres. Il faut être assez tordu, ou suicidaire, pour s’aventurer jusqu’au plus profond de ces abysses. Mais il n’y en effet qu’un tordu, Serviteur du Malin, pour y placer ce que nous recherchons. J’ai pour folle hypothèse qu’il nous faudrait explorer un maximum de ces crevasses, gardées par ces abominations Étrangères, afin de parvenir à occire cette nouvelle menace.

Bien que l’idée de te traîner me déplaise, vous présumez être d’un grand support lors d’expéditions, ainsi ais-je bien l’intention de te trimballer, coute que coute.

D’ici là, que l’Aïeul te bénisse de sa clairvoyance,



Ludwig Schwarz
Novice du Saint-Concile

Le petit Jérémie s'empressa de sortir de son sac de missives autre chose.

« Ah bin ouais, M'sieur Schwarz vous envoyait ça, avec ! »

Il posa dans la main de la Nonne une fleur de jusquiame.

Vraiment, Jérémie maudissait de plus en plus le moine Schwarz. Non pas pour ses coups de pieds au derrière pour l'intimer à se presser, puisque de violence, il  n'avait pas fait l'usage cette fois, mais plutôt pour le forcer à voyager de si bonne heure jusqu'au lieu de repos de  la Prêtresse.

« Ah, c't'homme, ça lui arrive jamais de laisser dormir les gens, hin... » avait maugréé le jeune Jérémie alors qu'il aboutissait enfin à son lieu de livraison.

Il coinça son colis sous son aisselle, au risque de l'abimer, avant de se frotter vigoureusement les mains. Le temps n'avait rien de clément non plus.

C'est quand on lui ouvrit qu'il tendit sa livraison vers la blonde.

« Zolé d'être là si tôt, Prêtresse, fallait que je vous livre ça, y parait. Y'a pas de lettre, par contre, j'imagine que l'moine Swa..Schvi...Schwarz a oublié d'écrire en même temps que d'apprendre à sourire.»

Il tendit à la femme un bien petit bouquet, froissé, composé d'anémones colorées et de dahlias.

«'Sont pas super belles, ce doit être les dernières qu'on a pu ramasser avant le temps froid. D'ailleurs, on se les gèle, vous auriez pas un p'tit grog pour votre ami Jérémie, avant qu'il retourne au bureau de poste ? »

Un oeillet était scellé dans la missive enroulée. Cette fleur portait la charge d'émotions et d'interprétations troubles, pour qui connaissait son sens profond, et le concerné serait bien laissé à se demander auquel des sens rattacher ce petit brin végétal.

Le ton et la forme, anormalement brève lorsqu'on connaissait l'auteur, pourraient laisser présager le pire au clerc.

Citation :

Ludwig,

J'aimerais laisser tomber le bouclier et te parler. Entre quatres yeux.
Je viendrai te voir à Tourbière bientôt. Est-ce que le (mercredi, 21h qc) te convient?

Sydonia

En apprenant qu'il avait reçu du courrier de la part de la prêtresse Strauss, Ludwig avait sourcillé plus que râlé.

Le texte était court et curieusement familier, surtout pour Sydonia. Il s'était gratté la tempe en tentant d'interpréter le message accompagné de son œillet.

« On t'envoie des fleurs, mon loup ? »

Ludwig avait presque hurlé en écrasant la missive contre sa poitrine, la froissant, pour la dissimuler à sa mère fouineuse qui s'était à nouveau glissée derrière lui pour lire ses échanges.

Il l'avait une fois de plus chassé, non sans être exaspéré par le plaisir évident de Ludivine, qui s'imaginait déjà quatre ou cinq mariage pour son fils unique.

Une fois qu'il fut certain d'être - vraiment - seul, puisque Lucille, sa petite-cousine, aimait particulièrement lui agripper les chevilles depuis le dessous du lit, il fit suivre une réponse aussi courte que celle de son homologue.

Citation :

Sydonia,

Je suis tout disposé à cette rencontre, selon ton bon vouloir. Le temps et le lieu me conviennent.

Affec... amica... cordiale... (Une série de rayure en chaine marquant toute ses hésitations de formalités)

Ludwig Schwarz